lʼart dʼescargoter
L'Eau rouge
La singularité de l'intrigue en apparence très banale au début (une jeune fille disparaît sans laisser de traces), la complexité des personnages et la mise en perspective historique, font rapidement plonger le lecteur avec délectation dans "L'eau rouge"...
On y rencontre des résistants d'un autre âge, sorte de version moderne des « partisans » du maréchal Tito qui dirigea la défunte Yougoslavie. Ils semblent continuer la lutte en refusant de vendre leurs leurs terres « qui ne produisent rien » à des promoteurs avides d'espaces au service d'un tourisme de masse globalisé. Lequel a largement défiguré la côte dalmate, comme le village imaginaire de Misto où Jurica PAVIČiĆ situe le cœur de son ouvrage. Et que dire du premier enquêteur qui apparaît au début du livre. Un personnage qui symbolise à lui tout seul les errements et les ambigüités de cette période troublée.
Avec cette histoire maitrisée de bout en bout, l'auteur distille quelques fausses pistes pour mieux balader le lecteur. Car on voyage beaucoup dans ce polar géographique (qui obtenu le prix « le Point du polar européen ») de la Serbie à la Bosnie en passant par la Catalogne, la Suède ou encore l'Italie.
Ce livre décrit par de discrètes allusions ou par des petites touches parfaitement intégrées au récit l'effondrement de la fédération yougoslave et la guerre qui a suivi. Il donne envie au profane de comprendre ce conflit qui a ensanglanté ce pays d'Europe il y a tout juste vingt cinq ans.
Il n'est pas si fréquent de lire des polars croates en France, avec « L'eau rouge », le manque est comblé. Aussi, saluons comme il convient l'initiative de la Maison d'édition AGULLO pour ce beau choix éditorial, sans oublier le remarquable travail d'Olivier LANNUZEL, le traducteur. Pour son premier roman publié en France, Jurica PAVIČiĆ fait une entrée remarquée dans la sphère littéraire hexagonale.