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3ème étape : À bord du Bernina Express

Trains de montagne suisses : le rail au sommet de son art #3

Voilà encore un parcours magnifique avec, comme cela devient une habitude, des vues à couper le souffle. Et  autant le dire tout de suite, à moins d’être un voyageur blasé, revenu de tout, il est difficile de rester assis à sa place tant notre regard est sollicité tantôt à gauche tantôt à droite. Ce nouvel itinéraire présente de nombreux contrastes pour le plus grand plaisir et l’étonnement des voyageurs.



Le premier contraste s’avère d’ordre culturel. L’occasion est belle, une fois de plus, de pérégriner au sein de cette mosaïque linguistique suisse qui ne cesse de nous surprendre. Il n’y a qu’à tendre l’oreille, dans les wagons, pour entendre le schwitzerdüscht, l’italien et le romanche, idiomes locaux auxquels se mêlent l’anglais et les autres langues parlées par les touristes voyageant à bord.


Le second est plus prosaïquement thermique, puisqu’il nous fait passer en quelques heures des basses températures septentrionales à la chaleur du sud. Ce que d’aucuns résument par la formule « des glaciers aux palmiers ».


Le troisième contraste tient aux brusques changements de paysages, entre les glaces éternelles des Alpes grisonnes et le charme tout méditerranéen du Val Poschiavo, qui préfigure l’Italie, et plus précisément la région  de la Valteline aux vins réputés.


Bien que le point de départ officiel de la ligne se trouve dans la station de Saint Moritz, la partie décrite commence à Pontresina. Cette traversée des Alpes du Nord au Sud nous conduira à Tirano dans le Piémont italien. Outre le nom officiel de Bernina Express, il est surnommé « Die Kleine Rote », tout du moins dans la partie germano-grisonne. Après avoir laissé Pontresina, point de départ pour escalader le Piz Bernina (à 4 000 mètres d’altitude), le train poursuit son ascension pour atteindre l’hospice Bernina à 2253 mètres, point culminant du parcours, qui a donné son nom à la ligne et constitue la plus haute gare des chemins de fer réthiques (la compagnie officielle du canton des grisons). Nous passons au plus près des splendides Lago Bianco et Lejnair (nom romanche pour le lac noir) aux eaux plus sombres.



L’endroit marque la ligne de partage des eaux, cette toujours surprenante particularité géographique. Celles situées au nord s’écoulent vers la Mer Noire, tandis que celles situées au sud du massif se jettent dans le Pô qui rejoint la Mer Adriatique. À cette ligne de partage des eaux, s’ajoute une frontière linguistique entre l’allemand et le rétho romanche, parlés dans le versant nord et l’italien, parlé dans le versant sud.


Le train amorce ensuite sa longue descente et évolue désormais dans le Val Poschiavo, l’une des vallées italophones des Grisons et change très officieusement de nom pour s’appeler « il treninorosso de la Bernina ».  Une vallée qui, longtemps isolée du reste de la Confédération helvétique avant l’avènement du rail, lorgne depuis toujours vers l’Italie, dont elle partage la langue. Le bourg de Poschiavo (Puschav en romanche) et ses « palazzi » témoignent du passé de ce canton longtemps déshérité. Où les habitants désertaient des vallées entières pour aller chercher fortune à l’étranger. Ils revenaient alors au pays et faisaient construire de magnifiques palais, symbole de leur réussite.



On peine à croire que ce train qui, il y a peu musardait dans la montagne, se fraie maintenant un chemin au milieu des voitures dans les rues étroites des charmants villages de San Antonio et Le Prese, avec des allures de tram urbain.


Peu de temps après, Il trenino de la Bernina arrive à Brusio. À peine sorti de la gare, il franchit l’un d’un plus spectaculaire viaduc au monde dans lequel s’exprime à nouveau le savoir-faire de ses géniaux concepteurs : un ouvrage d’art circulaire tout en pierre de 107 mètres de long, qui accomplit un virage complet à 360 degrés avec un dénivellé de 70% !


Passé Campocognolo, à peine a-t-on le temps d’admirer les vaches à la robe grise (très couleur locale), que déjà l'on quitte la Suisse pour entrer en Italie – bien que l’on ressent confusément le sentiment de s’y trouver depuis un moment déjà, tant les noms des villages «  sonnent » dans la langue de Dante. L’arrivée à Tirano, ville au passé mouvementé et autrefois grisonne, marque la fin de la partie ferroviaire du voyage. Ce dernier pouvant être poursuivi par un retour en autocar à Lugano en Suisse à travers la Valteline. A l’issue de ce voyage, on se dit que ce train que l’on appelle « Die Kleine Rote » ou encore « Il Trenino Rosso de la Bernina » possède, en dépit des différents surnoms évoquant sa petitesse, tous les attributs d’un grand. Et l’on se convainc sans trop de mal que la Suisse, le pays le plus montagneux d’Europe, possède une véritable culture ferroviaire. À noter que ce tracé, qui cumule de véritables prouesses techniques, lui vaut le rare privilège de compter parmi les trois classées au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Et même si ce label peut apparaître souvent galvaudé et régulièrement décrié, il apparaît en l’occurrence complètement indiscutable.



 
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