lʼart dʼescargoter
Les monuments aux morts pacifistes : bâtisseurs de paix
C’est dès la fin de la guerre de 1870 – conflit franco-prussien qui se solda par la perte de l’Alsace-Moselle – qu’apparaissent les premiers Monuments aux morts sur le territoire national. Mais à cette époque, bien que présents dans tout le pays et en particulier dans le quart Nord-Est, ils restent une exception au vu de leur faible nombre (une centaine).
Il faut attendre la période 1920 / 1925 pour voir se généraliser l’édification des Monuments aux morts dans les 36 000 communes du pays, malgré les difficultés de l’après-guerre, comme autant d’hommages rendus aux soldats morts aux combats du 1er conflit armé mondial.
Les monuments pacifistes et d’inspiration pacifique : une exception
Cependant, à contre-courant du sentiment qui prédominait à l’époque, quelques communes firent le choix de condamner de façon plus ou moins explicite les horreurs de la Première Guerre mondiale, que certains nommèrent « la grande boucherie ». Pour ce faire, elles érigèrent des Monuments aux morts dits « pacifiques ou pacifistes ».
On les trouve à peu près dans toutes les régions de France. Auteure d’un livre sur les Monuments aux morts, Annette Becker explique leur rareté par le fait que les gens de l’époque estimaient dans leur grande majorité que ce type de monument se moquait du sacrifice des leurs. Toujours selon l’auteure, il convient de distinguer les monuments d’inspiration pacifique et ceux résolument pacifistes :
« On confond souvent les monuments pacifiques qui expriment le sentiment de la plupart des anciens combattants, à savoir qu'on ne veut plus faire la guerre, avec les monuments pacifistes qui, eux, disent que la guerre est mauvaise en soi et qu'on n'aurait jamais dû la faire ».
Outre leurs messages pacifistes ou pacifiques, ce qui les caractérisent c’est l’absence totale de référence à la guerre avec armes et soldats. On y représente plutôt la douleur d’orphelins, de mères, d’épouses, de pères.
« À connotation chrétienne, politique ou pacifiste » : une variété de messages
Ainsi dans la commune de Avion dans le Pas-de-Calais, on fait référence au Décalogue, avec l’inscription « Tu ne tueras point ».
Autres inscriptions, plus politiques celles-là, sur le Monument aux morts de Mazaugues dans le Var qui reprend deux citations, sans appel quant à l'absurdité des combats. Celle de Anatole France, d'abord : « L’union des travailleurs fera la paix dans le monde », ou encore celle de Jean Jaurès, connu pour son engagement pacifiste : « L’humanité est maudite si, pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement ».
Dans le contexte de l’immédiate après-guerre, l’érection de tels monuments n’allait pas forcément de soi.
Ainsi, en 1923 le maire de Tarnos dans les Landes fut destitué pour avoir refusé d’enlever quatres inscriptions à connotation pacifistes, parmi lesquelles : « Les guerres n'ont jamais été que la misère des peuples. Souvenez-vous » (dès lors, il faudra attendre 94 ans pour que soit célébrée, à l’occasion de la commémoration de l’armistice du 11 novembre, la réinscription des formules pacifistes gravés en 1921).
La même année, le maire de Gy l’Evêque dans l’Yonne, fut traduit devant le tribunal cantonal pour les inscriptions suivantes « Paix entre les peuples » et « Guerre à la guerre ». Un jugement est rendu le 9 décembre 1923, obligea le maire à retirer la plaque. Le Conseil municipal fut alors graver les inscriptions pacifistes sur le socle. Deux autres communes de l’Yonne, Chevillon et Perreux, suivirent cet exemple en faisant graver à leur tour, en 1923 et 1924, ces deux maximes sur leur monument.
C’est cette dernière inscription que l’on rencontre le plus fréquemment, les autres messages courants étant « Maudite soit la guerre », « Plus de guerre », ou encore « Morts pour la paix ».
Signe de reconnaissance de leur valeur et de leur intérêt patrimonial, certains sont inscrits au titre des Monuments historiques tels que ceux des communes de : Campan (Hautes Pyrénées), Lodève (Hérault), Ceret (Pyrénées Orientales), Capoulet et Junac (Ariège) ou encore Ouveillan (Aude), considéré comme l’un des plus beaux.
Certains, par leur destin peu commun, occupent une place à part dans l’histoire récente de ce type particulier de Monuments aux morts. Citons parmi les plus connus : Saint Martin d’Estraux (Loire), Riom (Puy de Dôme), Vaingré (Aisne).
Le Monument aux morts de Saint-Martin-d'Estraux affiche un véritable plaidoyer contre la guerre, accompagné d'une profession de foi pacifiste à l'attention des générations futures.
Ils présentent la particularité de faire référence aux « Fusillés pour l’exemple » auxquels ils rendent un hommage posthume. L’une des pages les plus sombres de la Première Guerre mondiale où des soldats français furent envoyés au peloton d’exécution et fusillés par leurs propres camarades.
Cent ans après, les esprits se sont apaisés. Il est maintenant communément admis que l’on puisse rendre hommage aux morts de la guerre (de toutes les guerres) tout en dénonçant son abjection.
De quoi parle-t-on ?
Pacifique, adjectif ; qui aspire à la paix, qui tend à la paix.
Pacifiste, adjectif et nom : qui préconise la recherche de la paix internationale par la
négociation, le désarmement, la non-violence.
Pour aller plus loin :
Lire : Les monuments aux morts : « Patrimoine et mémoire de la grande guerre », de Annette Becker aux Editions Errance
La Fédération Nationale Laïque des Associations des Amis des Monuments pacifistes :
https://www.fnlp.fr/pacifisme/
La chanson en relation avec les mutins de la Première Guerre mondiale :