lʼart dʼescargoter
Mémorial Alsace Moselle : Antidote à l'oubli
Les Alsaciens et Mosellans ont changé 4 fois de nationalité entre 1871 et 1945. Par une scénographie immersive et dynamique, le Mémorial Alsace-Moselle dévoile l’histoire particulière de ces territoires et de leurs habitants, de 1870 à nos jours, notamment pendant la période de la Seconde Guerre Mondiale.
Une histoire mouvementée, un territoire disputé
A flanc de coteau, surplombant la vallée de la Bruche, l'emplacement du Mémorial Alsace Moselle, à Schirmeck, face au camp de concentration du Struthof, ne doit rien au hasard.
L’Alsace Moselle, voisine immédiate de l’Allemagne, connut de par sa situation géographique de grandes souffrances. Certes, ce fut le lieu commun de bien des régions frontalières et il ne s’agit pas de hiérarchiser les traumatismes endurés par les populations. Mais l’exceptionnelle durée du contentieux franco-prussien (à ses débuts, et franco-allemand par la suite) impactèrent de manière implacable cette région.
Telle semble être l’ambition du Mémorial Alsace Moselle : raconter avec le maximum d’objectivité cette période qui s’étend de la guerre de 1970 à la fin de la 2ème guerre mondiale. Mais aussi, bien que ne soit pas l’objectif avoué, réhabiliter la mémoire des « malgré nous », les hommes incorporés de force dans la Wermacht (l’armée allemande) durant le dernier conflit mondial.
Le réalisme des décors
Ce qui frappe dès l’entrée dans le musée, c’est l’hyper réalisme des décors et l’importante iconographie, fruits - on l’imagine - de longues recherches et d’importants collectages... D’emblée, le visiteur est littéralement « saisi », happé par les lieux. D'ailleurs, il participe volontiers à cette déambulation historique où tour à tour, selon sa sensibilité propre, il peut passer par des sentiments contradictoires de colère, de peur, de peine, de révolte et aussi d’espoir.
Au gré des différents espaces, suivant une progression strictement chronologique, on s’imprègne de l’atmosphère régnant durant l’évacuation de 1939 et les expulsions de 1940. On découvre le quotidien d’un fort de la ligne Maginot, on saisit l’implacable oppression de la germanisation, et le drame de l’incorporation forcée. On apprend comment s’organisait la résistance aux Nazis et l’on vibre aux grandes heures de la Libération.
L'Europe pour tourner la page
La visite s’achève sur une note optimiste symbolisée par les différentes étapes de la construction européenne, auxquelles le Mémorial réserve pas moins de 3 espaces.
Si parfois, de notre récit national, ont pu naître des malentendus - voire de la suspicion - envers les Alsaciens et les Mosellans durant ces périodes troubles, le Mémorial, par la clarté et la teneur de son propos, lève toute ambiguïté sur les différents protagonistes de ces sombres pages de notre Histoire. Et ce n’est pas là le moindre de ses mérites.
Quelques années seulement après les commémorations du centenaire de l’armistice mettant fin aux combats de la 1ère guerre mondiale et au moment où disparaissent peu à peu les derniers témoins de la Seconde, conserver la mémoire des conflits passés n’en devient que plus vitale.
Les lieux de mémoire selon l'historien Pierre Nora :
« Les lieux de mémoire, ce sont d’abord des restes. La forme extrême où subsiste une conscience commémorative dans une histoire qui l’appelle, parce qu’elle l’ignore. (…) Musées, archives, cimetières et collections, fêtes, anniversaires, traités, procès-verbaux, monuments, sanctuaires, associations, ce sont les buttes témoins d’un autre âge, des illusions d’éternité." (…) Un lieu de mémoire dans tous les sens du mot va de l'objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l'objet le plus abstrait et intellectuellement construit».
Il peut donc s'agir d'un monument, d'un personnage important, d'un musée, des archives, tout autant que d'un symbole, d'une devise, d'un événement ou d'une institution.
Pour aller plus loin :