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  • Didier Vors

Sète : La mer en héritage

Cette identité se reflète et se décline de façon spécifique dans les différents quartiers qui la composent. Ici on nait sétois bien sûr, mais on « est » de la Pointe Courte, de la Corniche, ou encore du Quartier Haut. Loin de l’agitation urbaine, ils cultivent les uns et les autres une singularité bien affirmée et un réel art de vivre.


Des quartiers bien définis

Commençons notre visite par La Pointe Courte : "Ventres bleus", ou "Pointus", les qualificatifs ne manquent pas pour désigner ces sétois du bas, les habitants de ce quartier enclavé entre la voie de chemin de fer et l’étang de Thau. Plutôt languedocien de par son histoire, il est resté longtemps très confidentiel. Il fut pourtant magnifié dès 1954 par la réalisatrice Agnès Varda, qui tourna là son tout premier film.



C’est aussi là que chaque année débute la saison des joutes nautiques une véritable passion sétoise. Arpenter l’unique quai par grand vent au soleil couchant donne la délicieuse impression de se trouver dans un petit village de bord de mer, un bout de terre hors du temps. L’été finissant, c’est un autre combat que se livrent les nombreux pêcheurs attirés par les daurades. Celles-ci quittant par bancs entiers l’étang de Thau, transitent par le canal passage obligé pour rejoindre la mer. Un aspect de la vie locale immortalisé par l’érection récente d’un monument tout simplement baptisé « Aux dorades ».



Poursuivons notre exploration. Evoquer le bien nommé « Quartier Haut », le plus ancien de la ville, nous ramène immanquablement à la naissance de Sète. Il fût construit pour loger les ouvriers affectés à la construction du port et du môle Saint Louis. Il abrite la plus ancienne église de la ville : la décanale Saint Louis, dont la vue de l’esplanade récompense largement les efforts fournis dans la montée. Elle voit affluer en juillet la foule des grands jours venue fêter le pardon de la Saint Pierre, le patron des pêcheurs et gens de mer.



C’est dans ce quartier que les racines italiennes de Sète restent les plus palpables : des patronymes de nombreux habitants à la cuisine, tout rappelle cette présence. Et ce n’est pas l’imposante Mamma félinienne, un hommage du sculpteur sétois Hervé Di Rosa à toutes les mères italiennes du quartier qui nous contredira... elle qui semble observer impassiblement les joueurs de pétanque. Non loin de là, ne manquez pas d’aller boire un verre au « Café Social », siège de la Jeune Lance Sétoise, l’une des nombreuses sociétés de joutes nautiques, véritable institution où bat le cœur du quartier.



Mais pour appréhender dans sa globalité « l’île singulière » chère au poète Paul Valéry, il convient de prendre encore plus de hauteur en terminant cette visite subjective des quartiers sétois par le Mont Saint Clair. Un promontoire de calcaire, sorte de belvédère naturel peuplé de « baraquettes ». Car oui, Sète possède une montagne culminant à 183 mètre au dessus du niveau de la mer, surnommée « la montagnette ». Elle fait la fierté de ses habitants.




Sète, ville d'eaux !

Bordée à bâbord par la mer, à tribord par l’étang de Thau, irriguée par de nombreux canaux qui lui ont valu le surnom de « petite Venise du Languedoc » – une invention marketing souvent employée de façon inconsidérée : on ne compte plus les « petites Venise » à travers le monde ! Il n’empêche : avec ses 12 ponts, Sète se vit comme une ville d’eaux. Ne dit on pas qu’ici les rues sont des canaux ? Ils façonnent à leur manière et pour toujours l’identité de la ville comme le Grand Canal, sorte d’épicentre et de concentré de la vie sétoise. Et que dire du Lido, cet interminable cordon dunaire qui s’étend sur 12 kilomètres jusqu’à Marseillan. Il fait la joie des baigneurs, qui investissent ses plages dès les premiers rayons de soleil, mais hélas avec son corollaire, un afflux de baigneurs qui menace ce fragile écosystème.


C’est le célèbre Colbert, ministre du Roi Soleil qui scelle définitivement le sort de ce qui n’était jusque là qu’un modeste port, et qui en fit le dernier né des grands ports de pêche français.



Alors que nombre de villes portuaires relèguent consciencieusement leurs activités maritimes en périphérie, à Sète au contraire il trône fièrement depuis toujours en plein cœur de la ville. Car s’il est un paradoxe sétois des plus surprenants, c’est bien celui là : plus on s’approche du cœur de ville plus la taille des embarcations augmente ! On trouve tout d’abord les barques et les petits bateaux à l’entrée de ville, puis les voiliers et enfin sa soixantaine de thoniers et chalutiers aussi hauts que les immeubles qui les entourent et les ferries qui relient le port languedocien à la sulfureuse Tanger, au Maroc.


A Sète, la mer vient jusque dans l’assiette et c’est « tiellement bon » ! Hormis l’incontournable tielle, ne manquez pas de déguster la bourride de baudroie que d’aucuns comparent à la Bouillabaisse. Avant de se retrouver dans les innombrables restaurants du quartier de la Marine, les poissons transitent par la criée, une sorte de passage obligé ! Si, avatar du modernisme, elle ne résonne plus des cris des mareyeurs achetant aux enchères la pêche du jour, le ballet incessant des casiers de dorades, soles et autres rougets, reste un spectacle incontournable.


Est-ce pour cela qu’à Sète on se prétend plus pêcheur que marin ? Une affirmation que semble toutefois démentir « Escales à Sète » une manifestation qui se déroule tous les deux ans. Réunissant 130 voiliers parmi les plus beaux du monde, elle constitue la plus grande fête des traditions maritimes de Méditerranée.



Ici, même le cimetière (chanté par Brassens) est marin ! Quant à l’autre cimetière, celui du Py : la vue donne directement sur l’étang de Thau. Tout à la fois singulière et plurielle, il se dit ici que Sète est un port avant d’être une ville, le mieux sera d’en juger sur place !

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