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Alfons Mucha : un peintre à l'affiche

Alfons Mucha : un peintre à l'affiche

Tout le monde (ou presque !) en France connait Alfons Mucha sans savoir que c'est Alfons Mucha. Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Qui un jour n'a pas vu une affiche richement colorée toute à la gloire des champagnes Ruinart ou de la bière de Meuse ? On connait moins, toujours chez nous, le peintre de "l'épopée slave", une "grande" œuvre à tous les points de vue...



Un "bohémien" à Paris ?

Un bohémien à Paris. C'est ainsi qu'était sous-titrée la dernière grande exposition tenue dans la capitale il y a tout juste trois ans (de septembre 2018 à janvier 2019). Certes, l'une des deux acceptions du mot "bohémien" est juste : il mène les premières années à Paris, où il arrive en 1887, une vie de "bohème" – à l'instar de nombreux artistes – qu'il partage avec son condisciple Paul Gauguin. La seconde est quant à elle en partie inexacte sur un plan purement géographique, car Alfons Mucha passe son enfance et une partie de sa jeunesse à Ivanice (où il nait en 1860) en Moravie, certes voisine de la Bohême... mais rendons aux Moraves...


C'est sa rencontre avec l'immense actrice Sarah Bernhardt , dont il réalise l'affiche de la pièce “Gismonda” (dont l'action se situe dans la Grèce médiévale) qui le rendra célèbre du jour au lendemain. Ce sera la point de départ d'une fructueuse collaboration qui durera 6 ans, pendant lesquelles il concevra affiches des spectacles, décors de scène et costumes de théâtre.


Graphiquement, son style est si singulier, si novateur et si original pour l'époque que l'on parle vite de “style Mucha”, que caractérise la forte présence de motifs décoratifs slaves, de mosaïques byzantines et de costumes agrémentés de dentelles et broderies.



L'affichiste devient vite une figure éminente de "l'art nouveau" : un style artistique qui se développe dès la fin du XIX siècle, d'abord en Belgique puis en France. Il s'épanouit en particulier dans l'architecture et les arts décoratifs. Alfons Mucha avait coutume de dire pourtant : "L'art ne peut être nouveau". Ce qui en d'autres termes signifie que l'art est éternel et n'a rien à voir avec les modes éphémères.


L'Épopée slave, l'oeuvre d'une vie célébrée dans le monde entier


C'est en 1899, durant son long séjour parisien que Alfons Mucha jette les bases de ce qui sera l'oeuvre de sa vie : L'Épopée slave.


Après avoir quitté la France et vécu quelques années aux Etats Unis, il rentre définitivement au pays, en Bohème, plus précisément, car l'on peut vivre en Bohême, sans vivre une vie de bohémien ! Il entame alors un travail pictural monumental sur l'histoire des peuples slaves qui s'étalera de 1911 à 1926. L'épopée slave frappe d'abord par son gigantisme : 20 toiles dont les plus grandes mesurent entre 6 et 8 mètres !


Sorte d'immense fresque historique et fortement symboliste, elle court des temps anciens jusqu'à la Première Guerre mondiale, et sonne comme un appel vibrant à l'unité de tous les slaves. Elle se compose pour moitié de tableaux relatifs aux différentes composantes du monde slave et pour moitié de l'histoire de la Bohême Moravie. Une région, qui – chose surprenante, plusieurs tableaux nous le rappellent – fut aussi gagnée par la Réforme incarnée par un personnage important de cette période, le prédicateur Jan Huss.



Loin de faire l'unanimité, L'Épopée slave fut fortement décriée par les artistes des années 20 qui la considéraient comme une oeuvre rétrograde. Le temps a rempli son office et Alfons Mucha est passé depuis longtemps à la postérité.


Pourtant, la destinée de cette oeuvre hors norme a tout d'une épopée dans l'épopée... Elle est présentée une première fois en 1928 au Palais des foires de Prague en tant que don de l'artiste à l'occasion des 10 ans de la Tchécoslovaquie. Considérée comme bien national, elle est cachée durant l'Occupation du pays par l'armée allemande. Elle est ensuite exposée une 1ère fois au Château de Moravský Krumlov (en Moravie) près du lieu de naissance de l'artiste de 1963 à 2011. Elle navigue à partir de 2017 au Japon, revient un temps à Prague, passe à Brno avant de retourner au château de Moravský Krumlov l'année dernière.



Après quasiment un siècle d'errance L'Épopée slave semble enfin avoir trouvé un lieu dans le centre historique de Prague au grand soulagement de John Mucha, petit fils de l'artiste et Président de la Fondation du même nom. Elle devrait en effet retourner (définitivement ?) dans la capitale à partir de 2026.



Derrière le peintre, l'homme engagé


Franc-maçon actif et nationaliste revendiqué, Alfons Mucha compose avec deux idéologies que tout oppose a priori. Il semble assumer parfaitement ses contradictions et élabore à partir de là sa propre philosophie. Pour le peintre, l'art dans sa globalité peut, en diffusant ses propres idées philosophiques, rapprocher les peuples et maintenir la paix.



Son histoire personnelle se confond avec celle de la nation tchèque. Né en pleine renaissance du sentiment national tchèque, il croit en une nation indépendante de l'empire austro-hongrois. D'ailleurs, dès l'adolescence, il milite pour cette idée dans sa ville natale d'Ivanice. A l'avènement du nouvel état tchécoslovaque, il réalise les tout premiers billets de banque et timbres poste. Figure charismatique de la jeune nation – donc suspect aux yeux des nazis – il est arrêté et meurt en 1939 au cours des premiers mois de l'occupation allemande.


 

Pour aller plus loin:

http://www.muchafoundation.org/en


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