Ouessant : l'île "phares"

Après une traversée maritime d’une heure trente (par temps calme) comprenant une escale sur la petite île de Molène, Ouessant émerge des flots impétueux de la mer d’Iroise à plus de 20 km au large des côtes finistériennes. Les bateaux de la compagnie Penn Ar Bed (le bout du monde en breton…), l’un des principaux liens ombilicaux avec le continent, accostent au port du Stiff. Chaque arrivée et départ de bateau créant une forme d’agitation ponctuelle.

On rejoint alors Lampaul l’unique bourg : par une navette ou par des véhicules conduits par des locaux, s'improvisant taxis et guides touristiques pour faire le tour de l’île.

C’est à Lampaul que se concentre l’essentiel de l’activité. Le reste de l’habitat étant constitué de hameaux et lieux dits, à la toponymie purement bretonne. Ici, les incontournables murs de pierres et les maisons aux volets bleus participent indéniablement au charme de cette terre de landes et de bruyères, aux côtes déchiquetées, balayées par les vents.

Cinq phares sinon rien…

Rares sont les îles cernées, entourées par autant de phares, on en compte cinq : deux sur terre et trois en mer. Ils ont pour nom : Le Kéréon, (dernier phare érigé en mer) Le Stiff, (l’un des plus vieux en fonctionnement), La Jument, Le Créac’h et Nividic (le plus à l’ouest de France métropolitaine) pour guider les navigateurs au milieu de ce dangereux « champ de cailloux ».

Situé au pied du mythique phare du Créac’h, le musée des Phares et Balises d’Ouessant retrace l’histoire de la signalisation maritime et veille sur une collection de lentilles Fresnel et d’outils de signalisation maritime unique au monde. Fermé pour cause de rénovation, il rouvrira ses portes en 2026.

« Ces lumières sur la mer » font partie de la vie des ouessantins auxquels ils restent très attachés. Au-delà de leur fonction vitale pour la navigation, ils font partie de l’identité de l’île. Dès lors, le projet de l'administration des Affaires Maritimes de déclasser le phare du Créac'h, en installant un feu industriel en lieu et place de la lentille Fresnel, suscite le mécontentement d’une part semble-t-il – grandissante de la population et plus généralement des gens de mer.

Un territoire vulnérable

En France, dans les années 70, on n’avait pas de pétrole, mais des idées selon le slogan en cours à l’époque. À Ouessant au contraire, on avait beaucoup de pétrole, trop de pétrole, non désiré, généré par les marées noires successives. En treize ans, de 1976 à 1980 les côtes bretonnes subirent six marées noires : Deux d’entre elles touchèrent l’île d’Ouessant : le 13 mars 1976, le pétrolier libérien Olympic Bravery se brise à Ouessant où il perdra 1200 tonnes de brut, le 28 avril 1979, le pétrolier libérien Gino transportant 32 000 tonnes de noir de carbone coule au large de l'île.

Le rail d'Ouessant est le nom communément utilisé pour désigner le dispositif de séparation (DST) maritime au large de l île d'Ouessant, l'île française la plus occidentale de métropole, qui marque la limite entre l'Atlantique et la Manche. Rappelons que dans le rail d'Ouessant transitent chaque année 54 000 navires, soit 150 navires par jour. Il s'agit d'un des passages maritimes les plus fréquentés du monde où passe, chaque année, 70 % du trafic maritime mondial en tonnage.

Une destination buissonnière

Ouessant n’est pas à proprement parler une île sans voiture, mais le trafic est extrêmement limité puisque seuls les îliens utilisent leur véhicule pour leurs besoins personnels. On peut donc pédaler en toute sécurité sur les petites routes qui irriguent tout le territoire. On n’embarque pas sa voiture sur Ouessant. Il est par contre possible d’apporter son vélo. .

Première surprise, l'île est loin d’être plate. Les personnes sans grande pratique de la bicyclette seront bien avisées de louer des vélos électriques auprès des quelques prestataires présents sur l’île

Les sentiers, en grand nombre, ne sont pas balisés, mais vu sa taille modeste, impossible de se perdre sur Ouessant.

Cela d’autant que le clocher de l’église Saint Pol Aurélien, dans le bourg, ainsi que les phares visibles depuis presque tous les coins de l’île pourront servir en quelque sorte d’« amer »tant aux randonneurs qu’aux cyclistes. Le tour complet de l’île à pied s'effectue en quarante-cinq kilomètres.

Ouessant décroissante et solidaire

Dans la maison ouessantine il n’y avait pas de murs, nous apprend la fort instructive visite de l’éco musée, les meubles faisant office de murs. Le bois étant rare, il provenait des bateaux échoués. A Ouessant, le réemploi a de nouveau le vent en poupe, et pourtant cela ne date pas d’hier.

L’éco musée, toujours lui, nous apprend que cela se pratiquait déjà aux siècles derniers. Une pratique connue sous le nom de « péné » où l’on apposait un caillou sur un objet trouvé sur la plage signifiant de cette manière qu’on le réservait. L'entraide et la solidarité sont des marqueurs forts de la vie insulaire de façon générale, et l’île d'Ouessant s’inscrit totalement dans cette démarche. Ainsi, chaque année depuis 2022, à l’initiative de l’île aux trésors (un collectif d'habitants) se déroule au printemps et en automne « la grafiteria » Une fête où tout se donne, des livres aux vêtements, en passant par la vaisselle et les meubles. Dans le même esprit, signalons l’existence au cœur du bourg, d’une « boite à dons » créée à partir d’un réfrigérateur. Avec une finalité, réduire les déchets et créer des liens.

L’île aux livres ou l'archipel des Lettres

Porté depuis 1999 par l’association CALI (culture, arts et lettres des îles) se tient chaque année au moment de Pâques un festival de littérature insulaire. La nouvelle édition, qui vient de s’achever, mettait plus particulièrement à l'honneur les phares dans la littérature.

Dans le cadre de sa mission de promotion de la culture insulaire, et tout particulièrement de la littérature insulaire, l'association assure l’animation d’un centre de ressources des littératures insulaires : la maison des îles ainsi que la publication d’une revue semestrielle de littérature insulaire : L’Archipel des Lettres et l’organisation de résidences d’écrivains.

Bien sûr, dans un lieu à la configuration si singulière, cette sorte de « Finistère du Finistère. », la perception et les émotions ressenties seront différentes, selon que l’on aborde Ouessant par une belle journée de printemps ou par gros temps, au cœur de l’hiver, ou quand l’île est enveloppée par la brume ou le brouillard. Mais aller à Ouessant, c’est la quasi-certitude de rencontrer des natifs ou des visiteurs passionnés ou amoureux des îles. On ne vient pas à Ouessant par hasard !