lʼart dʼescargoter
Turin : des cafés pour l'Histoire
Entrer dans les cafés historiques de Turin, c'est s'immerger au cœur de cette ville tant leurs destins communs sont intimement liés. Mais c'est aussi dans ces lieux au glorieux passé que naquit il y a moins deux siècles la toute jeune nation italienne. Avec leur faste d'un autre temps ils sont un peu la mémoire de cette ville au charme parfois désuet.
« De quoi parle-t-on ce matin dans les cafés ? » avait pour habitude de demander chaque jour Charles-Albert de Savoie, Roi de Sardaigne à ses conseillers tandis qu’ils lui rendaient compte des affaires de l’Etat. Précisément parce qu’une partie de l’histoire de l’Italie naissante s’est écrite dans les cafés de Turin. C’est dans ces lieux que des personnages illustres du Risorgimento (1) comme Camillo Cavour, homme politique piémontais, partisan de l’unité italienne, et futur premier ministre, aimaient venir.
Les cafés historiques, aux intérieurs raffinées, véritables ciments de la vie sociale de l’époque, lieux de débats, d’échanges d’idées en plein cœur de la ville ont révolutionné la société. Dans leurs salles, en dégustant un café ou un thé, les hommes politiques d’autrefois discutaient du sort du royaume d’Italie, les artistes prenaient des rendez-vous et la riche bourgeoisie traitait ses affaires. Citons parmi les plus célèbres d’entre eux :« Al Bicerin », inauguré en 1763, où Alexandre Dumas venait déguster sa boisson éponyme spécialité turinoise à base de café, de chocolat chaud et de lait.
Ou encore « Fiorio », ouvert en 1780, appelé aussi le « caffé dei codini (petites queues) e dei Machiavelli » à cause des vêtements à l’ancienne mode et des idées de ses clients. il était surtout fréquenté par des hommes politiques, des aristocrates et des intellectuels comme, Massimo d’Azeglio, Mark Twain et Camillo Cavour C’est ici en 1841, que ce dernier fonda le cercle de Whist, un mouvement patriotique.
Non loin de là le « Caffè Mulassano », ouvert en 1907, inspiré du style Liberty anglais, fut le point de rencontre de la Cour et des artistes du Teatro Regio. C’est ici que fût inventé, en 1925, le tramezzino, l’ancêtre du club sandwich.
Situé également au cœur de la cité, le « Caffè San Carlo » ouvert en 1822 ,reste dans l’histoire comme l’un des plus célèbre rendez vous d’intellectuels et de patriotes .Investi par les bohêmes, les écrivains, les professeurs d’universités et les journalistes, il fut fermé plusieurs fois à cause de l’activité subversive des patriotes réformistes qui y venaient. Le café San Carlo tire aussi sa gloire pour avoir été le premier à adopter l’éclairage à hydrogène en 1822.
Endommagé par les bombardements de 1944, il rouvre en 1963 après 10 ans de travaux.
Devant l’entrée du « Caffè Torino » le bien nommé se trouve le fameux taureau en bronze, qui selon la tradition locale, porterai bonheur à celui qui le piétinera. Il se compose de plusieurs petits salons richement décorés selon le goût de l’époque. Les miroirs dorés, les tentures en soie, les cheminées en bois, les fauteuils en cuir et l’escalier donnant sur une verrière colorée Un raffinement qui ne connait pas l’oubli puisque le café qui fête son centième anniversaire est toujours doté de ses aménagements d’origine et pièces rares que le temps a conservé.
Les gourmands ne manqueront pas de rendre visite au « Caffè Baratti & Milano », dont les bonbons et confiseries lui valurent le titre de fournisseur de la Maison Royale.
Avant de laisser Turin et ses Caffè, imaginons nous juste un instant dans l’un d’entre eux, savourant un appétissant gianduiotti, un chocolat typique, du nom de Gianduja, un masque de "la commedia del arte".
(1) Le Risorgimento : période de l’histoire de l’Italie dans la seconde moitié du XIXème siècle au terme de laquelle les rois de la maison de Savoie unifièrent la péninsule italienne.